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l'internationale intersticielle - Page 11

  • Histoire de Monsieur D.

    Monsieur D., peu complaisant envers lui-même, s’est un jour reconnu dans ce modeste souvenir d’un Carnaval de Nice, présent dans la collection d’art populaire d’Eliane Larus. Et il est vrai qu’il y avait une ressemblance.

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    Peu d’hommes m’auront autant étonné et ravi que Monsieur D.

    J’ai fait sa connaissance dans les années quatre-vingt au marché aux puces de Montreuil. Un samedi matin donc, un homme d’une quarantaine d’années, aux sourcils épais et au visage candide, vêtu d’une veste trop étroite et d’un pantalon défraîchi me demanda très poliment la permission d’installer près de moi sur le sol un journal destiné à mettre en vente quelques vêtements d’occasion. J’acceptais volontiers, lui précisant que je n’avais de toute façon aucun droit sur l’espace qui m’entourait. Malgré cet aveu il me remercia chaudement. Dès le début de nos relations, il me demanda d’être discret avec son nom car il avait le goût du secret et puis il faisait partie d’une famille dans laquelle, contrairement à lui, on réussit d’ordinaire sa vie. Ce qui était vrai.

    Tirant de maigres bénéfices en revendant les objets qu’il trouvait dans les poubelles, il me proposa bientôt de m’apporter à domicile les choses les plus intéressantes qu’il trouverait désormais. Il prit donc l’habitude de passer chez moi une ou deux fois par semaine me présenter des objets, m’en demandant une somme modeste. Il était convenu que je pouvais les revendre un bien meilleur prix, détail qui ne lui déplaisait pas. Comme je lui proposais de me laisser vendre d’abord les objets pour partager ensuite les bénéfices, il me répondit que ce n’était pas la peine car les sommes que je lui donnais étaient bien supérieures à ce qu’il obtiendrait lui-même, puisque, de toute façon, son apparence lui portait préjudice.

    La plupart du temps il refusait d’entrer chez moi et nos affaires se déroulaient sur le palier car il s’estimait indigne d’entrer dans un appartement comportant une collection d’archéologie. Un matin, pour une raison de discrétion, il me téléphona en espagnol depuis le comptoir d’un café pour me proposer de passer dans l’après-midi. Un autre jour, pour la même raison, il m’appela en anglais. Un soir, il accepta d’entrer chez moi pour y déposer un important lot de papiers trouvé, comme d’habitude, dans une poubelle. Certains papiers datant apparemment du dix-neuvième siècle, je les examinais attentivement. L’un d’eux étant rédigé en allemand je lui dis que malheureusement je ne comprenais pas cette langue. Il prit alors le document et le traduisit sans peine.

    Il circulait dans Paris surtout la nuit, dans les quartiers bourgeois, sur un vélomoteur tirant une petite remorque patiemment remplie de choses trouvées. Des écouteurs trop grands reliés à un magnétophone fixé sur son dos lui permettaient d’entendre des poésies. Habitude qui fut la cause d’un accident de la circulation sans gravité mais assez comique.

    Il habitait un hôtel meublé du treizième arrondissement, dans une chambre curieusement triangulaire comportant un lit de fer, une armoire en bois triste et un minuscule réchaud à gaz sur lequel cuisaient souvent des petites pâtes connues sous le nom de coquillettes.

    C’est lui qui m’a expliqué pourquoi des choses de prix sont parfois jetées à la rue. Dans les cas les plus courants, des personnes se débarrassent simplement d’objets sans se préoccuper de leur éventuelle valeur. Lors de certaines circonstances, des domestiques auxquels on demande de vider un placard s’acquittent de la tâche sans se poser de questions. Dans d’autres occurrences il s’agit de vengeances matrimoniales : on jette des objets aimés pour punir quelqu’un.

    Un jour monsieur D. décida de partir pour Nice, pensant que cette ville habitée par de d’innombrables vieillards serait propice à de bonnes trouvailles. Malheureusement ce ne fut pas le cas. La patronne du modeste hôtel où il était descendu s’étant montrée peu aimable, il lui vint l’envie de la corriger. Il se confectionna donc un vêtement d’une longueur inaccoutumée en cousant plusieurs vestons et manteaux l’un après l’autre. Et il sortit de cette manière plusieurs fois de l’hôtel, tirant cette misérable traîne derrière lui. Au bout de deux jours la patronne n’y tint plus et le congédia.

    Monsieur D. retrouva donc Paris avec soulagement non sans avoir, une dernière fois, puni la patronne de l’hôtel à sa façon. Le jour suivant son départ un jeune garçon en veste blanche livra en effet à cette femme désobligeante une jolie boîte blanche sur laquelle était fixé ce message : Madame, Vous avez été désagréable avec moi, qui suis pourtant un homme bien élevé. Aussi je vous quitte. Vous ne méritez que ce gâteau.

    Ce mot accompagnait effectivement un excellent gâteau acheté dans une bonne pâtisserie.

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  • Roger Lorance de la teinture à la peinture

    Villeneuve-les-Avignon on n’y va pas tous les jours. La dernière fois c’était il y a 8 ans. La rue de la République a changé. Des boulets noirs ont poussé pour dissuader le stationnement. Ça fait grande ville là où c’était bon enfant. On ne s’arrête plus devant chez Roger Lorance. Sa teinturerie est toujours là mais elle a été transformée en restaurant flambant neuf. Dans cette boutique au bois dormant, le peintre-poète était resté depuis la fin de ses activités en 1969.

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    Son atelier s’était superposé aux derniers vêtements que plus personne ne viendrait chercher.

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    Aux murs les vestiges d’anciens panonceaux commerciaux côtoyaient des poèmes manuscrits qui traitaient de la Schizophrénie ou de la Divinité.

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    La peur, la révolte ontologique en alexandrins. « Dieu, s’il existait serait très mauvais ». L’auteur, vieil homme voûté mais œil alerte, avait connu des moments difficiles.

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    Il ne s’en cachait pas, derrière sa barbe qui le fait ressembler à Francis Jammes. Ne devait-il pas au photographe Clovis Prévost notre visite inopinée ? C’était suffisant pour raconter.

    portrait R Lorance n&b.jpgUne addiction sévère entre 30 ans et 40 ans. Les affres d’une désintoxication. Les enfants cancéreux le bouleversaient. Le paroxysme de l’anxiété, il savait ce que c’était.

    Un psy lui avait dit : « si vous avez déliré c’était à froid ». Il n’en commentait pas moins l’une de ses œuvres : « une espèce d’hallucination, quelque chose comme un tableau de fou ».

     

     

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    A 29 ans, il s’était mis à la peinture. « Attaque directement le tableau » lui avait dit celui qui lui avait « appris », le peintre troglodyte Joseph Thoret dont il partage l’attrait pour les monstres qui exorcisent les pensées obsédantes.

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    La Tristesse du diable était venu sous ses doigts en août 1954. Envolé depuis comme l’un de ses premiers tableaux qui représentait « la bombe atomique tombant dans un volcan, les quatre races autour ». Trois mois de travail. A la craie d’abord (il n’aime pas dessiner). Puis : « je fais tomber la craie, personnage par personnage ». Cocktail de couleurs. Feu d’artifice.

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    « On peut dire que je suis un coloriste » dit Lorance. « Mon père était coloriste en teinturerie, j’ai eu l’idée de la couleur avec lui ». Son goût du symbolisme littéraire, son onirisme qui n’est pas de surface entraînent sa parole sur des voies moins limpides.

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    Suivre les explications où il aime se plonger en face des tableaux qu’il vous montre provoque une étrange impression de torsion intellectuelle.

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    Jérôme Bosch pour Roger Lorance est une influence reconnue. Mais il aime aussi Auguste Renoir ce qui a le don de nous interloquer. Sa devise : « subir pour triompher » laisse à penser qu’il ne peut vaincre qu’en obéissant à ce qui le travaille.

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    On reste songeur à l’idée qu’il ait pu exposer au milieu des sages paysagistes provençaux, lui si familier du chaos créateur.  Mais des circonvolutions discursives où seul il se retrouve, il sait retomber sur des phrases dont la simplicité stupéfie : « je ne vis pas dans ce siècle, je vis avec les châteaux de la Loire ».

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  • Retour à Carnevali

    Retour à Carnevali qui n’est pas seulement un lieu imaginaire.

    Carnevali est surtout le nom d’un prosateur italien de la première moitié du vingtième siècle qui écrit aussi en anglais. Un de ces poètes auxquels on colle l’étiquette de maudits parce que leur destin, non content d’être tragique, nourrit une œuvre à première vue facile à lire mais difficile à admettre tant on s’y sent travaillé par une sourde énergie délétère que l’on convertit par commodité en mélancolie romantique alors qu’elle rélève d’une ancienne et profonde fracture de l’être.

    carnevali-2.jpgEmanuel Carnevali (1897-1942), on le compare parfois à Rimbaud à cause des radicaux changements de direction de sa vie. Le caractère poignant de son roman autobiographique LE PREMIER DIEU rappelle aussi le ton de désespérance sublimée qui fait la beauté des Confessions d’un mangeur d’opium anglais. Je ne mentionne Thomas de Quincey que pour rétablir l’équilibre.

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    On a fait –on peut faire– de Carnevali le précurseur d’un certain désenchantement propre à la Beat Generation. Le malaise existentiel qu’il relate sur le mode de la reviviscence correspond de ce point de vue au caractère bancal de sa place dans l’histoire de la littérature. Ce pourquoi sa façon de se glisser dans l’entre-deux nous intéresse.

    emanuel carnevali fevrier 1918.jpgEnfance marquée au fer de la violence parentale, exil précoce en Amérique, sombre misère à New York et Chicago, instabilité amoureuse, activité littéraire malgré les jobs abrutissants, tendresse pour les jeunes prostituées, maladie du sommeil (encéphalite) et retour en Italie où il végète jusqu’à sa mort dans des institutions… la vie trouée d’Emanuel Carnevali ne se distinguerait que par son pittoresque misérabiliste s’il n’en avait fait une œuvre « intersticielle » par son écriture.

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  • Jósef Czapski

    Le tableau qui, dans notre précédente note, a servi de point de départ à la rêverie de Sophie Roussel a pour titre : L’Escorial. Il est de Jósef Czapski.

    autoportrait.jpgCe peintre polonais issu d’une famille d’aristocrates liée au pouvoir tsariste occupe une place à part dans l’histoire de la peinture moderne. La première moitié de sa longue vie (1896-1993) fut bouleversée par les événements tragiques liés aux deux guerres mondiales et au sort infligé à la Pologne par l’U.R.S.S. de Staline. Capturé par l’Armée rouge en 1939, il est un des rares officiers polonais à avoir échappé aux massacres de Katyn. Après la formation d’une armée polonaise suite à l’invasion nazie en Russie, Czapski combattit à Monte-Cassino. Après la guerre il retrouva Paris où il avait vécu entre 1924 et 1933.

    Ce n’est que progressivement qu’il renoua avec ses activités picturales inaugurées avant la guerre où il fit partie du mouvement kapiste influencé par Cézanne. Bonnard, Vuillard, Soutine et plus tard Nicolas De Staël nourrirent jusqu’à la fin sa peinture qui se caractérise par la construction d’ambiances un peu étranges où flotte un discret mais authentique parfum d’inachèvement volontaire ou spontané.

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    Ce que la philosophe genevoise Jeanne Hersch exprime autrement et sans doute mieux :

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    couv obscur.jpg « Partout où il se trouvait, dans les cafés, les gares, le métro, il faisait des croquis, et d’après ces croquis, il a peint ses toiles. Elles sont très profondément recomposées, souvent caricaturales, fortement stylisées, avec des cadrages surprenants et une délectation parfois subtile, parfois violente, de la couleur. Elles sont vraiment le produit de l’esprit et je leur trouve parfois toutes les vertus d’une toile abstraite, avec l’humanité en plus » Jeanne Hersch, Éclairer l’obscur, Entretien avec Gabrielle et Alfred Dufour, 1986.

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     « Le patron du surréalisme Marcel Duchamp distingue la peinture de la rétine et celle du cortex cérébral. Je n’ai jamais considéré cette définition soit-disant géniale autrement que comme un paradoxe plutôt plat, parce que je ne peux pas admettre une peinture sans la participation à la fois de l’œil et de l’écorce cérébrale. Un tableau dont nous pouvons apprécier la valeur sans tenir compte de la réaction de notre rétine peut être un jeu d’intellect plus ou moins brillant, un amusement, mais ce n’est pas de la peinture ».

    Jozef Czapski, Kultura, novembre 1959 - Traduit par Thérèse Douchy

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  • Thélème-les-Bains

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    Alors, c’est donc ça, Carnevali… Un cirque de plus, mais allongé sur la mer. Quelle prétention, mais quelle beauté ! Je prends la parole, moi Ventura, en bonne aînée qui se respecte. Après moi, nos parents se sont calmés sur les prénoms sensationnels. Terminé la fantaisie, il fallait faire du mignon et ça tombait bien, ils ont eu une paire de jumelles : Jeannette & Louisette. Avant leur venue, j’étais belle et j’avais tout pour moi. C’était sans compter que mes cadettes grandiraient, qu’elles prendraient des formes et du bagout et qu’il leur resterait adultes cette grâce un peu pusillanime contenue dans la finale de leur prénom. Affublée d’un prénom comme le mien, j’attends toujours la grande destinée qui va avec.

    Aujourd’hui, nous échouons à Thélème-les-Bains sans trop nous disputer pour une fois car nous sommes intriguées par ce village qui abrite le joyau Carnevali. Hormis quelques négociants, qui ont leurs entrées à Carnevali, le tourisme y est prohibé. Il se dit dans la région que Carnevali est une petite société autarcique, surprotégée par un gouverneur jaloux de son pouvoir. Or, nous sommes là aujourd’hui pour livrer des anchois, les meilleurs du pays, fruits d’une longue tradition familiale. Petits poissons deviendraient grands, notre famille ne s’est jamais démontée devant cet adage idiot et le gros sel fut plus important pour nous que les minuscules perles amassées péniblement par les marins du crû.

    Comme toute jeune femme, j’ai beaucoup trop rêvé de Carnevali. On a toujours entendu dire que les gens qui y vivaient étaient beaux, intelligents, cultivés et libres et qu’il y avait des fêtes endiablées chaque semaine. Peut-être que bien des qualités humaines se trouvent en marge de celles que je viens d’énumérer, mais selon moi, c’est déjà une véritable prouesse d’avoir réuni des gens dotés de tels attributs. Et je m’agace de ceux qui disent que ce sont là des racontars pour faire trisser les jeunes filles. Il faut voir la rudesse des gars de notre pays.

    Je sais en ce moment même à quoi pensent mes sœurs, devenues soudain bien silencieuses. Appuyées sur le parapet, dans la lumière crue de midi, nous rêvassons en regardant la jetée. Dans moins d’une heure, nous serons présentées au Gouverneur, toujours en quête de nouvelles recrues, paraît-il. Car, il ne faut pas croire, il y a du mouvement à Carnevali. Beaucoup s’en repartent mais on ne peut jamais rien tirer d’eux. Ils quittent toujours la région à la hâte. J’espère que ma robe rouge sera comprise. Je suis grevée par toutes les craintes à la fois. J’ai peur qu’il ne choisisse aucune d’entre nous. Je crains également qu’il ne choisisse plutôt mes sœurs parce qu’elles en imposent et se ressemblent comme deux gouttes d’eau, ce qui saisit toujours. Et pour finir, je redoute qu’il me choisisse moi car je pourrais ne pas être à la hauteur.

    Le rêve n’a pas duré. C’est en qualité de cuisinières que nous avons été retenues. A Carnevali, il ne faut pas croire, ils mangent des pizzas aussi.

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  • Le faiseur de manses

    Jean Simon le mansier « ou le faiseur de manses. C’était un homme à qui la religion avait tourné la tête par la crainte de l’enfer. Il avait cessé d’aller à la messe, il travaillait le dimanche et les fêtes à ses vignes. Il faisait des manses, ou petites boules de terre argileuse, pour éloigner le diable, qui lui apparaissait sous la forme d’une araignée ».

    Nicolas Rétif de la Bretonne, Monsieur Nicolas, Club des Libraires de France, p. 331. Souvenir de berger (région de Nitry en Bourgogne).

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  • Zombi or not zombi

    Entrée des Zombis. Le zombi fait le buzz. On ne compte plus les films, les séries, les jeux vidéo qui se vautrent bravement dans ce phénomène de mode. Même la pub Chanel qui ressuscite pour l’occasion She’s not there, tube d’un groupe de rock mythique des années soixante.


    Cette pub se laisse voir pour Keira Knightley, l’actrice anglaise qui, dans A Dangerous method, un film de David Cronenberg de 2011, incarna Sabina Spielrein, la jeune patiente qui sert de balle dans le ping pong entre Carl Gustav (Jung), son analyste et son amant, et Sigmund Freud, le maître auquel elle se rallia.

    Mais reprenons. Si l’on n’y prenait garde les zombis nous emmèneraient trop loin. A force de voir défiler des morts vivants en lambeaux, des va-de-la-gueule hagards et tout pourris à la démarche chancelante, on trouverait drôle la zombification. Ce n’est pas le cas.

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    Un ouvrage récemment paru nous le rappelle. Il se distingue de toutes les conneries qui courent sur ce sujet mystérieux. C’est pourquoi l’ii le recommande. Il s’agit du livre de Philippe Charlier : Zombis, enquête sur les morts vivants (Tallandier mai 2015). L’auteur est un médecin légiste et un anthropologue, ce qui ne doit pas faire froid dans le dos car ce livre réussit le tour de force d’être grand public tout en étant informé et clair. Se risquer à une critique de détail, nous n’y songerons même pas.


    A retenir surtout, outre la fine étude du terrain haïtien, la typologie dégagée par l’auteur.

    Zombis = personnes atteintes de maladies psychiatriques.

    Zombis = personnes qui ont été droguées.

    Zombis = morts sociaux, personnes exclues de la société.

    Un chapitre nous a paru particulièrement intéressant. Il s’intitule Pavillons des zombis et relate une visite dans un hôpital psychiatrique de Port-au-Prince. On y croise une patiente qui aurait passé près d’un an de sa vie au service d’autrui, dans un état de semi-conscience.

    Citons : « Sur tous les murs de l’établissement hospitalier », elle « a dessiné avec des charbons les vévés [symboles] de Baron Samedi et Dame Brigitte, mais aussi des phallus, des couteaux, des sabres etc. (…) Presque aucun mur n’échappe aux signes kabbalistiques laissés par cette patiente, à commencer par sa cellule, bien sûr, et jusqu’aux portes extérieures de l’hôpital psychiatrique, comme si elle avait voulu mettre en place un cercle de protection autour d’elle (…) ».

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  • Le Sauvage à l’écran

    Son petit cinéma personnel, c’était fatal, devait propulser le Sauvage sur les écrans. Sous le nom de Blanchet le Sauvage, Paul Marie Joseph Blanchet participa en 1933 à Mireille, un film de René Gaveau.

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    C’est une adaptation de Mirèio, pièce de Frédéric Mistral et de l’opéra de Charles Gounod. Dans le casting, Lou Sòuvage est le Père Ambroise, le père de Vincent le vannier, le flirt de Mireille.

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  • Souricière à nuages

    Une fois, sur le sommet de son crâne, « entouré d’un taillis gommé », le Sauvage planta , selon Marie Mauron, « une souricière pour capter non les rats mais les nuages. Une enquête minutieuse dans l’intersti-ciel de ce village nous a permis de comprendre qu’il y avait des raisons à cette ingénieuse idée.

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  • Le Sauvage des Alpilles

    Le Sauvage pour commencer. Le Sauvage, pourquoi pas ? En ces temps de feuilles d’impôts dans les boîtes aux lettres comment ne pas penser à lui qui en tapissait les murs de sa cuisine ? Mariant les couleurs entre elles car en ce début de vingtième siècle où il vivait, les sommations, les menaces, les avertissements avant saisie étaient imprimés en bleu, en vert, en rose.

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    A Saint-Rémy, à Maussane dans cette Provence mistralisée où Paul Blanchet (1865-1947) alias Sauvage poussait la chansonnette à la veillée.

    portrait du sauvage.jpgLui qui scandalisait et faisait rire la petite société rurale à laquelle il appartenait n’en manifestait pas moins un tempérament moderne et loufoque parfaitement de son époque. Certaines des « performances » de Blanchet (dont il ne reste comme il se doit que des souvenirs) témoignent de cet esprit avant-gardiste à la Alphonse Allais qui dissimule derrière la farce des intentions plus graves.

    Traversant les Alpilles sur un vélo agrémenté de 34 sonnailles de moutons et grelots de chien, le Sauvage transportait ses Nouvelles dans une boîte recouverte de sanglier.

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    Dans cette feuille volante imprimée pour le Carnaval, il relatait à sa façon rabelaisienne les événements de l’année. Variant chaque fois la publicité sonore dont il accompagnait, à grands renforts de percussions sur des ustensiles de cuisine, cette publication. C’est dans le maquillage et le costume que le Sauvage faisait cependant preuve de la plus grande imagination.

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    Marie Mauron, écrivain du terroir qui ne dédaigne pas les « fadas » (on se souvient de son livre sur Berbiguier de Carpentras) consacre tout un chapitre de ses souvenirs (Les Cigales de mon enfance) à cet homme original dont elle décrit les innovations vestimentaires et capillaires. Au delà du ton un peu clochemerlesque qu’elle adopte, c’est avec un vif intérêt qu’on lit sous sa plume que le Sauvage, punk avant la lettre, se faisait couper les cheveux « soit par tiers ou par quarts, soit en tranches, sa tête transformée en melon, soit en buisson pour sauvagine, soit en haies raides, concentriques ».

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    Pour reconnaître de loin sa veste sur le portemanteau du café, le Sauvage y peignit son nom au pochoir. Une veste dotée d’une poche à l’envers où il mettait ce qu’il ne voulait plus. A qui s’étonnait du pourquoi de la chose, Blanchet précisait que « ce pourrait être par coquetterie pure ». Cette remarque éclaire sur le degré de conscience du Sauvage. Loin d’être un insensé, c’était un sage aux « peintures de guerre » qui savait tenir ferme la voie étroite entre la bouffonnerie et la philosophie. Capable de contenir son excentricité dans les bornes ludiques instituées par la société où il vivait, il se comportait lucidement comme un symptôme de celle-ci. Ouvrier agricole, il ne travaillait que si nécessaire.

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    Ami des enfants, il encourageait chez eux le respect de la langue provençale qu’on leur interdisait à l’école. Lui qui avait été mordu par un scorpion en Afrique, n’hésitait pas à administrer son contrepoison à la morale étriquée de La Fontaine. C’est pour ne plus devoir saluer personne que ce doux anarchiste un peu bouddhiste, qui était revenu écœuré de son service militaire dans l’armée coloniale, ne portait jamais de chapeau.

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